Certains vont croire que je me passionne désormais pour Urgences ou je ne sais quelle débilité hospitalière de la boîte-à-cons, voire que je me suis spécialisé dans le médical, mais cette chronique n’est malheureusement que la suite de la précédente où je vous racontais les tourments de vignerons lourdement handicapés par les séquelles du coronavirus. Voilà en effet que j’apprends que s’est développé en Minervois, plus exactement dans l’appellation La Livinière un cluster comme on dit en patois, un foyer d’infection d’une taille inconnue jusqu’alors. En lisant le document officiel, confidentiel, que je publie ici en exclusivité, et qui montre l’ampleur du problème, j’ai failli tomber de ma chaise.
En réalité, la contamination est partie de la banlieue toulousaine, du bourg d’Auzeville, au sud-est de la capitale occitane. Est-ce un hasard, ou faut-il y voir un lien avec d’éventuelles manipulations génétiques, dans une zone spécialisée dans la recherche et l’enseignement agricole, très précisément au sein du groupement Qualisud.
Bon, assez rigolé. Les pros reconnaîtront le papier ci-dessus, il s’agit du compte-rendu d’une dégustation de contrôle de cet organisme agissant pour le compte de l’AOP La Livinière. Le vin en question, rejeté par les esperts, mis au ban de l’appellation, c’est Maxime 2018, le mourvèdre sur marnes gréseuses de Borie de Maurel.
Je ne vous cache pas qu’en nous en tapant deux bouteilles avec le vigneron, Michel Escande, et une aimable saucisse de foie de sanglier, la peine capitale prononcée par le tribunal des becs-en-zinc d’Auzeville-Tolosane, aux nez, aux palais déglingués par le pastaga andorran, la carignanasse chaptalisée* et la Gitane maïs nous a bien fait rire. Le vin en question est vendu ou réservé par des crétins comme nous, de pauvres buveurs qui ont la faiblesse de le trouver délicieux. Mais imaginez que ce genre de jugement arrive dans la boîte-à-lettres d’un petit vigneron débutant, songez aux conséquences, le père qui lui tombe dessus (« tu vas ruiner notre famille avec tes expériences, tes conneries de bio, etc! »), le banquier du Crédit-qui-bricole appelant pour couper les vivres (comprenez, monsieur, on ne peut plus vous suivre! »), vous voyez le scénario-catastrophe? C’est avec ce genre de choses qu’on castre les talents, qu’on affadit une appellation, qu’on nivelle par le bas.
Un conseil donc, pour les contrôleurs testés positifs, anosmiques et agueusiques de Qualisud, qu’ils changent de métier: je leur vois une carrière toute tracée, en éditant LE guide pinardier infaillible, celui qui manque à tous les amateurs, plus fort encore que le Wine Advocate**. Nous suivrons à la lettre leurs conseils, enfin en n’achetant que les vins auxquels ils auront mis la plus petite note. Quant aux syndicats viticoles, qu’ils arrêtent de se ridiculiser en détruisant ce qu’ils sont censés défendre.
*Ou éventuellement au Tapanel Supérieur (dont la recette digne des meilleurs mixologues se trouve ici)
**Un autre pote, Olivier Techer, se délectait récemment d’une critique de l’inventeur du tour-de-vis Parker, dans la revue qui appartient désormais au Guide des Pneus. Bob y écrivait en 2002 à propos de l’excellent millésime 2000 de son pomerol, Gombaude-Guillot: « les pires caractéristiques du millésime 1975 me sont venues à l’esprit lorsque j’ai dégusté ce vin dur, maigre, tannique, peu intense et nerveux. S’il ne s’étoffe pas, il ne méritera même pas la note que je lui ai attribuée ». Pour, mémoire, la note du Wine Advocate était (75-79)…